Collection privée

On la savait grande chanteuse : elle confirme. On la savait d’une grande classe, constant grand écart entre le populaire et le lettré : elle nous épate et nous ébloui. Le joyau n’est pas que dans la couche de sa chanson, dans la couette de ses rimes : c’est elle !
Michel Kemper

Collection Privée de chansons sur la chose

- Chant : Claudine Lebègue
- Accordéon : Alexandre Leïtao
- Son : Sébastien Minodier
- Lumières : Eric Citony ou Christophe Richard

Coproduction : Espace Albert Camus(Bron), Le Rabelais (Meythet). Subventionné par la Région Rhônes-Alpes. Avec le soutien du Limonaire (Paris) et RFO

Programme

Exposer sur scène la chanson comme objet érotique nous maintient au bord de plusieurs écueils, soit l’inassumable sur scène, l’impossible, soit la franche gauloiserie qui devient souvent machiste de rigolade entre soi et qui tient l’érotisme à distance. Comment maintenir à la fois la joie et l’effroi ?.... Cependant, il y a toujours eu une exposition de chansons érotiques sur scène, selon des modalités particulières, des ruses, des contournements (subversions), de la censure, de l’autocensure. Ces modalités ont leur histoire. Et c’est cette histoire que nous voulons traverser.

Sur scène : L’accordéoniste, le maitre de cérémonie, le très haut serviteur de la cause. La femme, à talons sonores, en uniforme noir fermé aux regards, ouvert en dedans. Elle, va chanter avec précision, disséquer le plus petit soupir. Lui, va déboutonner la jupe rouge de son accordéon. Et c’est ici que nous vous laissons...

Presse

[...] Accompagnée de son excellent accordéoniste Alexandre Leitao, l’artiste au tailleurs noir a su jouer avec humour, sex-appeal et détachement [...] Souvent sur la corde raide, elle ne dépasse pourtant jamais la ligne fatidique. [...] C’est un recueil exceptionnel du libertinage, du sexe, de l’amour, du désir, des ébats, de la masturbation, de l’orgasme et de l’extase que nous livre le duo dans une atmosphère feutrée [...] Les spectateurs se sont laissés guider par l’accordéon virevoltant d’ Alexandre Leitao et la voix rauque et suave de Claudine Lebègue. Un spectacle mené d’une main de maître du début jusqu’à la fin. [...]

Fabien Burlinchon pour Le progrès (mai 2007)


LYON CAPITALE

Claudine Lebègue à l’espace Albert-Camus (Bron)Après plus d’un an de préparation, Claudine Lebègue a ouvert mardi dernier sa "collection privée" au public. Abécédaire de chansons érotiques puisées dans toutes les époques et habillées en canapé (de rigueur) pour seul décor. Pari osé sans jeu de mots car pour le moins casse-gueule, et pourtant... Ôtant ses gants de boxe de chanteuse punchy, Claudine Lebègue montre dans cette création comment parler de cul le temps d’un spectacle permet d’explorer toutes les émotions de l’amour, de la blessure tragique à la gaudriole en passant par les fantasmes, les positions et les différentes natures de l’objet sexuel. En tenant son catalogue thématique hors des idées re çues et de l’humour gras, la chanteuse lyonnaise dévoile ses facettes sensuelle et drôle. Pari gagné.

Sylvain FOUREL


A FLEUR DE MOTS (Claudine Lebègue, octobre 2006, A Thou bout d’Chant à Lyon)

Stricte tenue, juste fendue, pour une chanson aussi raffinée que délurée : Claudine Lebègue nous entretient des choses de l’amour en nous faisant pénétrer sa « Collection privée ».On la connaît déjà, Lebègue, elle et son culot, son bagout. Et son infinie tendresse... Ses Rose et Roger, en spectacle comme en disque, n’ont pas fini de nous hanter. Voici que, toujours avec son complice et accordéoniste Alexandre Leitao, elle nous entretient de « la chose », nous initiant à sa collection très privée sur la question, abécédaire tendre et grivois qu’elle délace et libère de son pudique carcan en un infini plaisir partagé... Voyez la scène. Leitao est beau, fier hidalgo qui s’argentine aux cheveux gominés, mâle bien posé, bien assis, qui trône au mitan de la scène, fort de son imposant instrument. Et Lebègue qui papillonne, qui gravite, qui chante et nous enchante. Qui va, qui vient, qui se fait la chose. .... Pas de stupéfaction dans la salle, que non, mais visiblement (éclairez la salle, que diantre !) beaucoup, beaucoup de plaisir...... Au corps à corps, en saut de puce, ... Lebègue fait, en plein comme en délié, une sorte d’anthologie de la chanson érotique. Pas celle uniquement cochonne à destination des fins de communions. Ou alors on n’en voit que le groin. Pas celle, pauvre et vulgaire, des corps de garde. Non, celle, lettrée, des mots qu’on pose sur la chose, sur la toison, sur le con, sur votre blason. Lettrée mais pas complexe, on ne se branle pas la tête même si « Emmanuelle aime les intellectuels et les manuels » comme le chantait si bien Gainsbourg. Tour à tour, Lebègue se fourvoie, ripe sur les mots, hésite, bégaye, s’imagine chaste, presque prude. Puis ose tout avec l’arrogante assurance d’une matrone. Par elle, en un récital, tout le champs de l’amour est balayé, sans tabou, sans beaucoup de retenue : « Le cul d’une femme aimable est mille fois plus chaud encore », « La nuit est une femme à barbe »... Et ces autres et tendres Nuits d’une demoiselle, chères à Colette, chair à Renard : « Je m’fais remplir le vestibule / Je m’fait ramoner l’abricot / Je m’fais farcir la motelette / Je m’fais couvrir le rigondin / Je m’fais gonfler la mouflette / Je m’fais donner le picotin... ». Sa sélection est large, des auteurs moyenâgeux à Thomas Fersen... Car le spectre de la gaudriole, de la chose, n’est pas que queue ni chatte, mais aussi les atours et, autour, les émotions, les sentiments, les pleurs et les rires, la passion et le délaissement. Lebègue est actrice qui habite avec aise toute la gamme des sentiments, qui sait être aussi chaste que franchement gourmande, qui fait d’un récital a priori délicat car risqué un délice dont on emporte après coup le doux souvenir, l’écume de la passion, le serment d’à son tour se concocter une collection privée aux pages délicates, à peine collées entre elles. On la savait grande chanteuse : elle confirme. On la savait d’une grande classe, constant grand écart entre le populaire et le lettré : elle nous épate et nous ébloui. Le joyau n’est pas que dans la couche de sa chanson, dans la couette de ses rimes : c’est elle !

Michel Kemper